Tête De Turc
Genre : Polar
Réalisateur : Pascal Elbé
Synopsis :
Bora, jeune turc vivant en banlieue, participe au lynchage d'un médecin et lance, sur sa voiture, un cocktail molotov. Prenant conscience de son acte, il part aider le médecin.
Avis :
Premier film de Pascale Elbé réalisateur, il s'attaque avec Tête De Turc au problème au combien fragile et tendu des banlieues et des sa population.
Ce premier jet, cette première incursion de ce gentil bonhomme qu'est Pascal Elbé sur le siège du réalisateur promet au cinéma français de bel œuvres. Son premier film, bien qu'imparfait, pose déjà les bases d'un futur cinéaste sérieux, sincère, authentique, un peu comme le sont aujourd'hui Eastwood et compagnie. Il brosse ici un portrait certes pas très glorieux mais juste d'une banlieue, un peu comme le fait Ben Affleck avec Boston. On sent que rien n'est inventé, que tout est vraisemblable, réaliste, avec ses personnages prisonnier d'un univers pseudo carcéral qui s'impose à eux. Bora, jeune adolescent sourd qui tente de se fondre dans le moule de la "racaille", de ceux qui font l'actualité, sans vraiment prendre conscience de ses actes et de leurs conséquences. Sibel, la mère de Bora, qui cravache comme une âne pour garder ses deux enfants auprès d'elle, leur évitant d'aller chez les "barbus" comme elle dit. Et puis il y a les deux frères, Atom et Simon, aux rapports assez tendus. De ses personnages émergent alors une vision bien spécifique de la banlieue, qui rend le film extrêmement nuancé, sans véritablement prendre parti. Sibel, qui vénère la médaille du courage remise à son fils, qu'elle reçoit aussi comme le résultat de son obstination à donner une éducation convenable à ses enfants et qui sera peut-être la porte de sorti tant rêvé. Puis il y a cette formidable confrontation entre Atom et Simon, entre l'épée et le livre, la force et la négociation. L'un pense qu'il faut pas relâcher la pression, l'autre qui propose plutôt le dialogue. Qui a raison, qui a tord ? C'est au spectateur de décidé, à moins qu'il ne soit dans un entre-deux. En tout cas, le réalisateur sait livrer des pistes de réflexion et les outils qui vont avec.
Face à cela, et à la brillante prestation de l'intégralité du casting (de Pascal Elbé au jeune Samir Makhlouf, en passant par Valerie Benguigui et surtout la splendide Ronit Elkabetz), le film contient quelques petits accrocs inhérent à la majorité des premières réalisation. Tout d'abord, le film aurait mérité un rythme moins haché, beaucoup plus souple et posé. Les séquences s'enchainent vraiment trop vite, ce qui évite à la passion et à l'émotion de s'installer durablement chez le spectateur. De plus, quelques effets de transitions (fondu au blanc, par exemple) surligne trop le passage à une autre séquence et, du coup, une rupture émotionnelle se créer. De même que ces effets ne traduise pas une échelle de temps constant puisque, à la fin du métrage, on ne sait pas trop combien de temps s'est écoulé. Ensuite, autre inconvénients : les personnages qui se perdent dans le film. Si Elbé garde en tête son quatuor de tête, il délaisse certains personnages (la voisine de palier, les parents d'Atom et Simon, le devenir de Atom) ou voir leur donne aucune épaisseur (le veuf incarné par Simon Abkarian est ici relayé en simple dommage collatéral, rôle outil pour le final, la maire). Cela n'empêche pas réellement le récit de séduire ou d'avancer, mais il aurait mieux valu prendre une vingtaine de minute (surtout que le film ne dure que 1h27) afin de les développer d'avantage.
Tête de Turc est donc un bon premier film réussit, plein de promesse, mais également avec des maladresses. Il en reste pas moins un film sincère sur un problème de société complexe.